Vanessa Buttin-Labarthe, entretien

L’équipe du Live : Quelle est la particularité de la production d’animation ?

Vanessa : Sa particularité est que l’on va travailler avec parfois plusieurs auteurs, car un film d’animation c’est à la fois un scénario et une création graphique. Parfois c’est la même personne qui se charge de créer les deux, parfois ils seront plusieurs s’il y a des co-auteurs littéraires. En général, la création graphique c’est une seule personne qui en est à l’origine.
Il y a également des différences dans la façon de travailler. J’ai une expérience des deux milieux et dans l’animation on envisage beaucoup plus tôt la fabrication du film. Dès la phase d’écriture, on pense déjà à la conception du film, ce qui est moins le cas dans les films en prises de vues réelles où l’on se focalise plus sur la dramaturgie et moins sur le tournage. Comme la fabrication d’un film d’animation est très longue et très coûteuse, on n’est pas du tout sur les mêmes échelles de budget et l’écriture d’une séquence en animation peut avoir un lourd impact. On réfléchit donc à la mise en scène en sachant ce que ça va coûter derrière contrairement à un film en prise de vues réelles où l’on se fixe finalement assez peu de limites pendant le tournage.
En ce moment, je travaille sur un court métrage où nous avons un budget un peu plus limité que ce que nous aurions aimé avoir, ce qui nous amène à repenser le scénario pour certaines séquences en réfléchissant à comment faire passer la même idée ou quelle mise en scène employer sur cette séquence afin qu’il y ait moins d’animation à faire, car c’est ce qui coûte le plus cher.

E : Vous traitez de sujet comme la grossophobie et la transphobie, en quoi est-ce que ces thèmes peuvent être liés à l’animation ?

V : Je ne dirais pas qu’ils sont liés à l’animation. Ce choix a été fait, car c’est le médium de prédilection des auteurs du film qui viennent eux-mêmes de l’animation et qui souhaitent réaliser des films par ce médium-là. C’est une question à laquelle nous sommes très souvent confrontés lors des commissions, pourquoi avoir fait le choix de l’animation et non pas des prises de vues réelles ? Cela énerve beaucoup les auteurs et producteurs, car c’est remettre en question le choix d’un créateur. On ne demande pas à un sculpteur pourquoi il n’a pas fait une peinture à la place. Alors oui, l’animation coûte beaucoup plus cher, mais la question est souvent posée pour les projets plus « réalistes ». Dès qu’on touche à l’onirisme, on justifie beaucoup plus facilement ce choix. Sur ces sujets-là, l’animation ne s’impose pas du tout.
Sur le projet Pour exister qui traite des questions de transphobie, effectivement il pourrait être abordé avec des prises de vues réelles, seulement les auteurs ont choisi de s’exprimer via l’animation. Nous travaillons également sur un court métrage d’horreur traitant de la grossophobie avec un auteur qui vient également de l’animation. Peut-être qu’il aurait été plus facile de le réaliser avec d’autres techniques, quoique sur un film d’horreur on peut faire passer des choses assez cruelles en animation de manière encore plus poussée. Ce n’est pas le choix du thème qui va définir quel médium on va choisir. Pour nous, l’important est de respecter le choix de l’auteur.

E : Ces thèmes font-ils partie de votre ligne éditoriale ?

Oui. Lorsque nous avons créé la société Les Astronautes avec Jean Bouthors, nous nous sommes assis de nombreuses fois au café, tous les dimanches soirs, pour réfléchir à l’entreprise qu’on voulait monter et le genre de films que nous voulions produire. La ligne éditoriale était de raconter des histoires avec des partis pris graphiques forts, mais aussi des sujets qui nous touchent et que nous aurions envie de voir en tant que spectateur.trice. Nous nous adressons à un public ado-adulte avec des sujets qui ne sont pas souvent traités en animation. Le but est également de montrer que l’animation est aussi une technique qui est au service d’une histoire et qu’avant tout, nous faisons des films.

E : Ce matin, lors de mon entretien avec Augusto ZANOVELLO, nous avons beaucoup parlé des différences qu’il a rencontrées dans sa carrière lors de son passage d’auteur à producteur. Vous-même, pensez-vous qu’il y ait différents points de vue entre ces deux professions ?

V : Personnellement j’ai toujours travaillé uniquement du côté de la production, mais je pense que c’est deux façons de voir un projet qui se rencontrent en ayant en tête la volonté de faire le même projet. C’est ce que nous disons toujours aux auteurs lors des premières rencontres, qu’il faut prendre le temps de faire connaissance, de commencer à travailler ensemble sur l’écriture, de voir si l’on s’entend bien humainement et si nos visions du film s’accordent avant de s’engager. L’important est que le film dont il ou elle a envie puisse se faire donc nous prenons ce temps-là. Il est aussi tout à fait possible que nous comprenions les envies de l’auteur, mais que nous nous rendions compte que nous ne sommes pas les bonnes personnes pour le porter. Il faut aussi avoir cette humilité en tant que producteur de s’avouer que nous ne savons pas défendre tous les projets. Si cela ne se fait pas, ce n’est pas grave, il ne faut pas s’accrocher à un projet pendant des mois, des années. Dans ces cas-là, nous aidons les auteurs à trouver des personnes plus appropriées.

E : Justement vous avez l’occasion de faire des rencontres durant le festival.

V : Les Astronautes sont nés d’une rencontre lors d’une ancienne édition du festival. Nous avions cette envie de monter cette société avec Jean.B, mais nous attendions d’avoir deux projets. Il y avait déjà le projet de Jean et nous avions rencontré Lyonel Charmette qui développait son projet Vercors en tant que réalisateur et l’avait pitché au festival des scénaristes. Je ne connaissais pas ce projet, mais quand j’ai entendu le pitch, j’ai dit à Jean qui n’avait pas pu être là que je venais d’entendre un super projet et qu’il fallait absolument rencontrer son auteur. Nous avons donc rencontré Lyonel et nous lui avons expliqué notre projet de monter notre structure. Il a réfléchi et a finalement été assez fou pour accepter malgré le fait que nous ne nous connaissions pas et que la structure n’existait pas encore. Nous avons donc commencé la production et Lyonel est devenu associé des Astronautes depuis. Nous devons donc beaucoup au festival de Valence.

E : Cette année vous étiez dans le jury innovation, est-ce que cela s’est bien passé ?

V : Oui, j’étais très contente des deux sessions de pitchs auxquelles nous avons assisté, les pitchs de la création innovante et les projets d’animation de courts métrages et de séries. Nous avons vu de très belles choses, des projets et des pitchs très bien construits, ce qui n’est pas un exercice facile. La séance de délibération était également très sympa, nous avons eu de très bonnes discussions entre membres du jury. Il y a des projets qui ont été une évidence, d’autres où il a fallu argumenter, mais j’ai vu des belles choses. Je ne sais pas si c’est moi qui les produirai parce qu’il va falloir travailler sur cette rencontre, mais il y a des choses que j’ai très envie de voir à l’écran.

E : Qu’est-ce qui, avant tout, vous séduit dans un projet ?

V : Son histoire. J’ai envie qu’on m’embarque, que ce soit sur des sujets engagés ou des histoires plus légères. Moi ce que j’aime dans le cinéma, c’est partir à la rencontre de personnages, suivre leurs vies, leurs aventures. J’ai envie d’apprendre des choses aussi. Hier, il y avait un projet documentaire qui m’a donné très envie de connaître la vie de ces gens. J’aime qu’on me raconte des histoires. Après, en animation, s’il y a de belles créations graphiques derrière, c’est encore mieux, car cela apporte une part de magie. C’est incroyable ce que les artistes arrivent à faire avec leurs instruments que ça soit avec un stylo, un ordinateur ou de la pâte à modeler. Lorsque les équipes arrivent à créer un film avec une unité graphique et quand tout le monde arrive à se retrouver sur le même projet, je trouve ça incroyable.

E : Pour finir, pourriez-vous nous pitcher, sans nous révéler la réponse, votre œuvre audiovisuelle préférée ?

V : Je regarde beaucoup de séries en ce moment alors je vais en choisir une qui m’a beaucoup marquée. Dans les années 60, l’homme s’apprête à marcher sur la lune, seulement ce n’est pas un Américain, c’est un Soviétique et l’on découvre la conquête spatiale sous un autre angle, car ce sont les Russes qui sont le plus près de poser le pied sur la Lune. Et dans cette histoire, les femmes jouent un rôle important. C’est une des choses qui m’a plu, c’est de voir que si les femmes avaient eu les mains aux manettes plus tôt, les choses se seraient passées différemment.

L’équipe du Live : Quelle est la particularité de la production d’animation ?

Vanessa : Sa particularité est que l’on va travailler avec parfois plusieurs auteurs, car un film d’animation c’est à la fois un scénario et une création graphique. Parfois c’est la même personne qui se charge de créer les deux, parfois ils seront plusieurs s’il y a des co-auteurs littéraires. En général, la création graphique c’est une seule personne qui en est à l’origine.
Il y a également des différences dans la façon de travailler. J’ai une expérience des deux milieux et dans l’animation on envisage beaucoup plus tôt la fabrication du film. Dès la phase d’écriture, on pense déjà à la conception du film, ce qui est moins le cas dans les films en prises de vues réelles où l’on se focalise plus sur la dramaturgie et moins sur le tournage. Comme la fabrication d’un film d’animation est très longue et très coûteuse, on n’est pas du tout sur les mêmes échelles de budget et l’écriture d’une séquence en animation peut avoir un lourd impact. On réfléchit donc à la mise en scène en sachant ce que ça va coûter derrière contrairement à un film en prise de vues réelles où l’on se fixe finalement assez peu de limites pendant le tournage.
En ce moment, je travaille sur un court métrage où nous avons un budget un peu plus limité que ce que nous aurions aimé avoir, ce qui nous amène à repenser le scénario pour certaines séquences en réfléchissant à comment faire passer la même idée ou quelle mise en scène employer sur cette séquence afin qu’il y ait moins d’animation à faire, car c’est ce qui coûte le plus cher.

E : Vous traitez de sujet comme la grossophobie et la transphobie, en quoi est-ce que ces thèmes peuvent être liés à l’animation ?

V : Je ne dirais pas qu’ils sont liés à l’animation. Ce choix a été fait, car c’est le médium de prédilection des auteurs du film qui viennent eux-mêmes de l’animation et qui souhaitent réaliser des films par ce médium-là. C’est une question à laquelle nous sommes très souvent confrontés lors des commissions, pourquoi avoir fait le choix de l’animation et non pas des prises de vues réelles ? Cela énerve beaucoup les auteurs et producteurs, car c’est remettre en question le choix d’un créateur. On ne demande pas à un sculpteur pourquoi il n’a pas fait une peinture à la place. Alors oui, l’animation coûte beaucoup plus cher, mais la question est souvent posée pour les projets plus « réalistes ». Dès qu’on touche à l’onirisme, on justifie beaucoup plus facilement ce choix. Sur ces sujets-là, l’animation ne s’impose pas du tout.
Sur le projet Pour exister qui traite des questions de transphobie, effectivement il pourrait être abordé avec des prises de vues réelles, seulement les auteurs ont choisi de s’exprimer via l’animation. Nous travaillons également sur un court métrage d’horreur traitant de la grossophobie avec un auteur qui vient également de l’animation. Peut-être qu’il aurait été plus facile de le réaliser avec d’autres techniques, quoique sur un film d’horreur on peut faire passer des choses assez cruelles en animation de manière encore plus poussée. Ce n’est pas le choix du thème qui va définir quel médium on va choisir. Pour nous, l’important est de respecter le choix de l’auteur.

E : Ces thèmes font-ils partie de votre ligne éditoriale ?

Oui. Lorsque nous avons créé la société Les Astronautes avec Jean Bouthors, nous nous sommes assis de nombreuses fois au café, tous les dimanches soirs, pour réfléchir à l’entreprise qu’on voulait monter et le genre de films que nous voulions produire. La ligne éditoriale était de raconter des histoires avec des partis pris graphiques forts, mais aussi des sujets qui nous touchent et que nous aurions envie de voir en tant que spectateur.trice. Nous nous adressons à un public ado-adulte avec des sujets qui ne sont pas souvent traités en animation. Le but est également de montrer que l’animation est aussi une technique qui est au service d’une histoire et qu’avant tout, nous faisons des films.

E : Ce matin, lors de mon entretien avec Augusto ZANOVELLO, nous avons beaucoup parlé des différences qu’il a rencontrées dans sa carrière lors de son passage d’auteur à producteur. Vous-même, pensez-vous qu’il y ait différents points de vue entre ces deux professions ?

V : Personnellement j’ai toujours travaillé uniquement du côté de la production, mais je pense que c’est deux façons de voir un projet qui se rencontrent en ayant en tête la volonté de faire le même projet. C’est ce que nous disons toujours aux auteurs lors des premières rencontres, qu’il faut prendre le temps de faire connaissance, de commencer à travailler ensemble sur l’écriture, de voir si l’on s’entend bien humainement et si nos visions du film s’accordent avant de s’engager. L’important est que le film dont il ou elle a envie puisse se faire donc nous prenons ce temps-là. Il est aussi tout à fait possible que nous comprenions les envies de l’auteur, mais que nous nous rendions compte que nous ne sommes pas les bonnes personnes pour le porter. Il faut aussi avoir cette humilité en tant que producteur de s’avouer que nous ne savons pas défendre tous les projets. Si cela ne se fait pas, ce n’est pas grave, il ne faut pas s’accrocher à un projet pendant des mois, des années. Dans ces cas-là, nous aidons les auteurs à trouver des personnes plus appropriées.

E : Justement vous avez l’occasion de faire des rencontres durant le festival.

V : Les Astronautes sont nés d’une rencontre lors d’une ancienne édition du festival. Nous avions cette envie de monter cette société avec Jean.B, mais nous attendions d’avoir deux projets. Il y avait déjà le projet de Jean et nous avions rencontré Lyonel Charmette qui développait son projet Vercors en tant que réalisateur et l’avait pitché au festival des scénaristes. Je ne connaissais pas ce projet, mais quand j’ai entendu le pitch, j’ai dit à Jean qui n’avait pas pu être là que je venais d’entendre un super projet et qu’il fallait absolument rencontrer son auteur. Nous avons donc rencontré Lyonel et nous lui avons expliqué notre projet de monter notre structure. Il a réfléchi et a finalement été assez fou pour accepter malgré le fait que nous ne nous connaissions pas et que la structure n’existait pas encore. Nous avons donc commencé la production et Lyonel est devenu associé des Astronautes depuis. Nous devons donc beaucoup au festival de Valence.

E : Cette année vous étiez dans le jury innovation, est-ce que cela s’est bien passé ?

V : Oui, j’étais très contente des deux sessions de pitchs auxquelles nous avons assisté, les pitchs de la création innovante et les projets d’animation de courts métrages et de séries. Nous avons vu de très belles choses, des projets et des pitchs très bien construits, ce qui n’est pas un exercice facile. La séance de délibération était également très sympa, nous avons eu de très bonnes discussions entre membres du jury. Il y a des projets qui ont été une évidence, d’autres où il a fallu argumenter, mais j’ai vu des belles choses. Je ne sais pas si c’est moi qui les produirai parce qu’il va falloir travailler sur cette rencontre, mais il y a des choses que j’ai très envie de voir à l’écran.

E : Qu’est-ce qui, avant tout, vous séduit dans un projet ?

V : Son histoire. J’ai envie qu’on m’embarque, que ce soit sur des sujets engagés ou des histoires plus légères. Moi ce que j’aime dans le cinéma, c’est partir à la rencontre de personnages, suivre leurs vies, leurs aventures. J’ai envie d’apprendre des choses aussi. Hier, il y avait un projet documentaire qui m’a donné très envie de connaître la vie de ces gens. J’aime qu’on me raconte des histoires. Après, en animation, s’il y a de belles créations graphiques derrière, c’est encore mieux, car cela apporte une part de magie. C’est incroyable ce que les artistes arrivent à faire avec leurs instruments que ça soit avec un stylo, un ordinateur ou de la pâte à modeler. Lorsque les équipes arrivent à créer un film avec une unité graphique et quand tout le monde arrive à se retrouver sur le même projet, je trouve ça incroyable.

E : Pour finir, pourriez-vous nous pitcher, sans nous révéler la réponse, votre œuvre audiovisuelle préférée ?

V : Je regarde beaucoup de séries en ce moment alors je vais en choisir une qui m’a beaucoup marquée. Dans les années 60, l’homme s’apprête à marcher sur la lune, seulement ce n’est pas un Américain, c’est un Soviétique et l’on découvre la conquête spatiale sous un autre angle, car ce sont les Russes qui sont le plus près de poser le pied sur la Lune. Et dans cette histoire, les femmes jouent un rôle important. C’est une des choses qui m’a plu, c’est de voir que si les femmes avaient eu les mains aux manettes plus tôt, les choses se seraient passées différemment.