Interview de Marie-Servane Bargy, Directrice de Synapsis et Créatrice de L’Espace Bleus

C’est à la terrasse de l’Hotel de France, sous le beau soleil de Valence, que la solaire Marie-Servane Bargy a accepté de me rencontrer pour une interview. Je suis tout de suite mis à l’aise par un ton libre et chaleureux et nous entrons très vite dans le vif du sujet.

SC : Comment est née l’idée des « bleus » ?

MSB : Les Bleus, c’est avant tout l’envie de faire participer les jeunes scénaristes, les « débutants » au festival qui est un lieu de rencontre. Notre envie était de donner un endroit où se réunir, permettre des rencontres pour échanger ses impressions et apprendre des scénaristes expérimentés qui viendraient transmettre un peu de leur savoir.

SC : Comme par exemple « Mes premiers pas de scénariste » ?

MSB : Tout à fait ! je ne connais rien de mieux que l’échange et le dialogue pour progresser, surtout quand on débute. Avec « Mes premiers pas de scénariste » les Bleus peuvent voir que tout début commence avec des embûches, des imprévus, des chances parfois, et qu’il y a mille et une façon de devenir scénariste. L’espace des Bleus leur sert à comprendre l’aspect concret, le travail nécessaire et l’acharnement aussi qu’il a fallu à tout le monde pour faire ce magnifique métier. Ainsi on leur évite de se perdre ou de rester à broyer du noir comme c’est parfois le cas.

SC : Quelle a été la réception au départ d’une telle initiative ?

Quand on a proposé cette idée, il y a trois ans, on ne pensait pas que cela marcherait du premier coup. L’idée paraissait certes intéressante mais il y avait un doute sur la confiance que les jeunes scénaristes pouvaient nous accorder. Nous avons été très agréablement surpris ! On s’est retrouvé immédiatement avec plus de cent accréditations : une réussite ! Maintenant le nombre de participants continue d’augmenter pour notre plus grand plaisir et je crois que les Bleus ont vraiment compris la dynamique de cet espace. Et puis rester dans son coin en se lamentant, ça n’aide pas vraiment à progresser !

SC : Effectivement, pourquoi de tels a priori quand on commence ?

MSB : Il y a beaucoup de rumeurs qui traînent, et même des rancœurs, alors que par définition un débutant n’a pas encore l’expérience pour avoir éprouvé lui-même toutes les embûches et les surprises de ce métier. Le but de l’Espace des Bleus, c’est un peu de les faire redescendre sur terre. J’ai parfois l’impression que ces appréhensions servent un peu de « posture » pour certains, une manière de se donner une contenance, une allure de vieux loup de mer ; malheureusement l’illusion ne prend pratiquement jamais. Comme je dis parfois « casser un fantasme mais pas un rêve », c’est-à-dire leur faire prendre conscience du chemin qu’ils ont encore à parcourir en leur donnant des exemples concrets, des astuces, des conseils qui vont concrètement les aider à ne pas être dans une « posture » mais à mettre les mains dans le cambouis et à entrer dans la vie réelle. Le Bleu, c’est aussi celui du bleu de travail, de l’artisanat et de la rigueur. Il y a avant toute chose, même quand on est talentueux, le travail.

SC : Que pourrait-on dire de l’attitude des Bleus quand ils arrivent ?

MSB : Il y a sans doute autant de Bleus qu’il y a d’attitude, autant de personnes que de caractères ! Cependant je pense que l’on pourrait faire trois grandes catégories : les grands révolutionnaires qui attendent que le monde les regarde et les admire, les Bleus qui ont des envies et des propositions mais qui ne savent pas comment faire pour aborder quelqu’un ou pour être sûr de leur démarche et il y a les Bleus qui ont déjà un pied dans le travail et qui ont compris que le temps de ce festival était le moment de partager, de se rencontrer, de transmettre et de rire aussi ! Après tout, nous sommes tous des êtres humains et nous aimons rire, boire un verre ou danser ! Il ne faut pas se bloquer sur un objectif, il faut se détendre et savoir apprécier une rencontre, une conversation même si elle n’a pas directement un but défini.

SC : Quand on commence on est souvent maladroit et un peu complexé, pour un Bleu cela doit être dur d’aborder un producteur ?

MSB : Évidemment ! Mais pour eux aussi ce n’est pas toujours facile ! Nous avons tous nos complexes, nos peurs et nos angoisses ! Il faut se détendre et se dire qu’avant tout il y a rencontre. Qui dit rencontre dit ouverture, les Bleus doivent comprendre que leur métier est aussi relationnel et que le producteur n’est pas une machine ! Il ne faut pas avoir une vision utilitariste à tout crin, on ne perd pas son temps à passer un bon moment, à discuter d’une passion ou d’un fait qui nous a marqué ! Le festival de Valence pour les Bleus n’a pas pour but pitch de vente et promesse d’achat ; ça peut être le cas et c’est sans doute tant mieux quand cela arrive, mais ce n’est pas l’objectif initial ou principal.

SC : Vous nous parlez de métier, quand on sort d’une école ou que tout simplement on arrive comme jeune scénariste, comment envisager ce métier ?

MSB : Déjà , en l’envisageant comme un vrai métier ! Qui dit artistique ne veut pas dire absence de rigueur, de savoir-faire et de travail. Il faut comprendre que la formation d’écriture n’est pas forcément une formation de scénariste, dans le sens où le métier de scénariste comprend bien d’autres qualités que celle de savoir écrire. On parle souvent des problèmes de reconnaissance mais pour la reconnaissance, il faut déjà beaucoup de sérieux et prouver sa valeur.
Il faut se regarder avec honnêteté, connaître sa position et se mettre au travail, cela ne peut être que payant et sympathique pour votre interlocuteur. Comme le dit David Kodsi : « Je n’ai rien contre les jeunes auteurs à partir du moment où ils savent que ce sont des jeunes auteurs ». Ça ne veut pas dire que l’on ne reconnaît par leur talent et leurs capacités, cela veut dire que Rome ne s’est pas faite en un jour et qu’il faut du temps et de la patience pour que son travail soit reconnu et que l’on vous fasse confiance.

SC : Donner du temps au temps, c’est dur quand on rêve tant de faire ce métier ?

Oui mais cela est nécessaire, il faut savoir penser sur le long terme. Il y a d’une part les fantasmes que l’on a sur le métier et il y a de l’autre la volonté de faire un travail, c’est-à-dire un engagement concret et intense. On peut rêver de monter dans une navette pour aller sur la lune, on peut aussi commencer par construire la première marche d’un escalier géant, plus long mais peut-être plus sûr. Enfin vous voyez l’idée !

SC : L’espace des Bleus, c’est un peu une manière de ne pas se prendre le mur des réalités en pleine figure ?

MSB : Si on peut dire ! Pour cela il faut mettre les mains dans le cambouis, d’où l’intérêt du Stand-Up des Bleus - les pitchs devant public. Nous faisons des retours avec bienveillance pour que tout le monde soit à l’aise. Car les Bleus doivent se confronter à la réalité, comprendre que c’est un marché avec ses règles (ses exceptions aussi), ses possibilités et ses incertitudes. Il faut tenter des rencontres, se laisser surprendre et surtout, surtout accepter de donner de soi pour recevoir. J’entends parfois des bleus se plaindre de ce qu’ils n’ont pas encore vécu, ou ne pas comprendre la gentillesse et l’intérêt que leur ont porté une personne, agent ou producteur, sans que cela mène immédiatement à un contrat. Il faut penser ce métier comme un artisanat, une entreprise à soi ; comprendre ses faiblesses et ses forces afin de savoir donner et recevoir. Évidemment, cela demande du temps mais les Bleus dans leur ensemble montre une belle volonté et cela fait chaud au cœur !

Propos recueillis le vendredi 4 avril au Festival de Valence.

SC : Comment est née l’idée des « bleus » ?

MSB : Les Bleus, c’est avant tout l’envie de faire participer les jeunes scénaristes, les « débutants » au festival qui est un lieu de rencontre. Notre envie était de donner un endroit où se réunir, permettre des rencontres pour échanger ses impressions et apprendre des scénaristes expérimentés qui viendraient transmettre un peu de leur savoir.

SC : Comme par exemple « Mes premiers pas de scénariste » ?

MSB : Tout à fait ! je ne connais rien de mieux que l’échange et le dialogue pour progresser, surtout quand on débute. Avec « Mes premiers pas de scénariste » les Bleus peuvent voir que tout début commence avec des embûches, des imprévus, des chances parfois, et qu’il y a mille et une façon de devenir scénariste. L’espace des Bleus leur sert à comprendre l’aspect concret, le travail nécessaire et l’acharnement aussi qu’il a fallu à tout le monde pour faire ce magnifique métier. Ainsi on leur évite de se perdre ou de rester à broyer du noir comme c’est parfois le cas.

SC : Quelle a été la réception au départ d’une telle initiative ?

Quand on a proposé cette idée, il y a trois ans, on ne pensait pas que cela marcherait du premier coup. L’idée paraissait certes intéressante mais il y avait un doute sur la confiance que les jeunes scénaristes pouvaient nous accorder. Nous avons été très agréablement surpris ! On s’est retrouvé immédiatement avec plus de cent accréditations : une réussite ! Maintenant le nombre de participants continue d’augmenter pour notre plus grand plaisir et je crois que les Bleus ont vraiment compris la dynamique de cet espace. Et puis rester dans son coin en se lamentant, ça n’aide pas vraiment à progresser !

SC : Effectivement, pourquoi de tels a priori quand on commence ?

MSB : Il y a beaucoup de rumeurs qui traînent, et même des rancœurs, alors que par définition un débutant n’a pas encore l’expérience pour avoir éprouvé lui-même toutes les embûches et les surprises de ce métier. Le but de l’Espace des Bleus, c’est un peu de les faire redescendre sur terre. J’ai parfois l’impression que ces appréhensions servent un peu de « posture » pour certains, une manière de se donner une contenance, une allure de vieux loup de mer ; malheureusement l’illusion ne prend pratiquement jamais. Comme je dis parfois « casser un fantasme mais pas un rêve », c’est-à-dire leur faire prendre conscience du chemin qu’ils ont encore à parcourir en leur donnant des exemples concrets, des astuces, des conseils qui vont concrètement les aider à ne pas être dans une « posture » mais à mettre les mains dans le cambouis et à entrer dans la vie réelle. Le Bleu, c’est aussi celui du bleu de travail, de l’artisanat et de la rigueur. Il y a avant toute chose, même quand on est talentueux, le travail.

SC : Que pourrait-on dire de l’attitude des Bleus quand ils arrivent ?

MSB : Il y a sans doute autant de Bleus qu’il y a d’attitude, autant de personnes que de caractères ! Cependant je pense que l’on pourrait faire trois grandes catégories : les grands révolutionnaires qui attendent que le monde les regarde et les admire, les Bleus qui ont des envies et des propositions mais qui ne savent pas comment faire pour aborder quelqu’un ou pour être sûr de leur démarche et il y a les Bleus qui ont déjà un pied dans le travail et qui ont compris que le temps de ce festival était le moment de partager, de se rencontrer, de transmettre et de rire aussi ! Après tout, nous sommes tous des êtres humains et nous aimons rire, boire un verre ou danser ! Il ne faut pas se bloquer sur un objectif, il faut se détendre et savoir apprécier une rencontre, une conversation même si elle n’a pas directement un but défini.

SC : Quand on commence on est souvent maladroit et un peu complexé, pour un Bleu cela doit être dur d’aborder un producteur ?

MSB : Évidemment ! Mais pour eux aussi ce n’est pas toujours facile ! Nous avons tous nos complexes, nos peurs et nos angoisses ! Il faut se détendre et se dire qu’avant tout il y a rencontre. Qui dit rencontre dit ouverture, les Bleus doivent comprendre que leur métier est aussi relationnel et que le producteur n’est pas une machine ! Il ne faut pas avoir une vision utilitariste à tout crin, on ne perd pas son temps à passer un bon moment, à discuter d’une passion ou d’un fait qui nous a marqué ! Le festival de Valence pour les Bleus n’a pas pour but pitch de vente et promesse d’achat ; ça peut être le cas et c’est sans doute tant mieux quand cela arrive, mais ce n’est pas l’objectif initial ou principal.

SC : Vous nous parlez de métier, quand on sort d’une école ou que tout simplement on arrive comme jeune scénariste, comment envisager ce métier ?

MSB : Déjà , en l’envisageant comme un vrai métier ! Qui dit artistique ne veut pas dire absence de rigueur, de savoir-faire et de travail. Il faut comprendre que la formation d’écriture n’est pas forcément une formation de scénariste, dans le sens où le métier de scénariste comprend bien d’autres qualités que celle de savoir écrire. On parle souvent des problèmes de reconnaissance mais pour la reconnaissance, il faut déjà beaucoup de sérieux et prouver sa valeur.
Il faut se regarder avec honnêteté, connaître sa position et se mettre au travail, cela ne peut être que payant et sympathique pour votre interlocuteur. Comme le dit David Kodsi : « Je n’ai rien contre les jeunes auteurs à partir du moment où ils savent que ce sont des jeunes auteurs ». Ça ne veut pas dire que l’on ne reconnaît par leur talent et leurs capacités, cela veut dire que Rome ne s’est pas faite en un jour et qu’il faut du temps et de la patience pour que son travail soit reconnu et que l’on vous fasse confiance.

SC : Donner du temps au temps, c’est dur quand on rêve tant de faire ce métier ?

Oui mais cela est nécessaire, il faut savoir penser sur le long terme. Il y a d’une part les fantasmes que l’on a sur le métier et il y a de l’autre la volonté de faire un travail, c’est-à-dire un engagement concret et intense. On peut rêver de monter dans une navette pour aller sur la lune, on peut aussi commencer par construire la première marche d’un escalier géant, plus long mais peut-être plus sûr. Enfin vous voyez l’idée !

SC : L’espace des Bleus, c’est un peu une manière de ne pas se prendre le mur des réalités en pleine figure ?

MSB : Si on peut dire ! Pour cela il faut mettre les mains dans le cambouis, d’où l’intérêt du Stand-Up des Bleus - les pitchs devant public. Nous faisons des retours avec bienveillance pour que tout le monde soit à l’aise. Car les Bleus doivent se confronter à la réalité, comprendre que c’est un marché avec ses règles (ses exceptions aussi), ses possibilités et ses incertitudes. Il faut tenter des rencontres, se laisser surprendre et surtout, surtout accepter de donner de soi pour recevoir. J’entends parfois des bleus se plaindre de ce qu’ils n’ont pas encore vécu, ou ne pas comprendre la gentillesse et l’intérêt que leur ont porté une personne, agent ou producteur, sans que cela mène immédiatement à un contrat. Il faut penser ce métier comme un artisanat, une entreprise à soi ; comprendre ses faiblesses et ses forces afin de savoir donner et recevoir. Évidemment, cela demande du temps mais les Bleus dans leur ensemble montre une belle volonté et cela fait chaud au cœur !

Propos recueillis le vendredi 4 avril au Festival de Valence.